Le succès lunaire de l’ISRO (Chandrayaan-3) et l’élan pour l’exploration de Mars

La mission indienne Chandrayaan-3 (lancée en juillet 2023) a réalisé un atterrissage en douceur historique près du pôle sud de la Lune le 23 août 2023 space.com. Ses principaux objectifs étaient de démontrer un atterrissage sûr et précis ainsi qu’un rover mobile permettant de conduire des analyses in situ à la surface lunaire isro.gov.in. La mission emportait un atterrisseur (Vikram) et un rover à six roues (Pragyan) équipés d’instruments (ex : spectromètres et une sonde thermique) pour analyser la composition du sol et les propriétés de la surface isro.gov.in indianexpress.com. Près de deux heures après l’atterrissage, l’ISRO annonçait « Nous avons réussi l’alunissage en douceur ! L’Inde est sur la Lune ! » space.com, faisant de l’Inde le quatrième pays à réussir un alunissage en douceur et le premier à atteindre la région polaire sud space.com.
- Objectifs : Alunissage en douceur et exploration par rover, démonstration de technologies avancées de navigation et de détection isro.gov.in.
- Réalisations : 14 jours d’opérations de surface (une journée lunaire) par Vikram et Pragyan ; premières mesures in situ près du pôle sud lunaire ; ≥1100 images et jeux de données renvoyés. Par exemple, l’instrument ChaSTE de l’atterrisseur a sondé la température du sol jusqu’à 10 cm de profondeur, révélant des conditions plus tempérées suggérant que les pentes polaires pourraient abriter de la glace accessible.
- Impact : La mission n’a coûté qu’environ 75 millions de dollars reuters.com, illustrant l’innovation frugale de l’ISRO. Son succès a attiré l’attention mondiale et la fierté nationale (le Premier ministre Modi la considérant comme appartenant « à toute l’humanité » space.com). Elle a aussi dynamisé l’industrie spatiale indienne : des leaders du secteur notent que l’alunissage est « attendu pour booster les start-ups spatiales privées du pays », alors que le gouvernement ouvre le secteur à l’investissement reuters.com.
La première sonde martienne de l’Inde (MOM – Mangalyaan-1)
Lancée le 5 novembre 2013 à bord d’une fusée PSLV-XL, la mission Mars Orbiter (MOM/Mangalyaan-1) de l’Inde était une sonde de démonstration technologique pesant environ 1 350 kg à vide (2 960 lb) avec environ 852 kg de carburant science.nasa.gov science.nasa.gov. Sa charge utile scientifique (environ 15 kg) comprenait une caméra couleur martienne (MCC), un photomètre Lyman-Alpha, un spectromètre d’imagerie thermique, un analyseur de la composition neutre de l’exosphère martienne (MENCA) et un détecteur de méthane science.nasa.gov. MOM a utilisé une trajectoire multi-poussées économe en carburant et a atteint l’orbite martienne le 24 septembre 2014 (après environ 10 mois) – une première insertion orbitale réussie au premier essai de l’ISRO.
- Faits techniques marquants : Un orbiteur compact (≈482 kg à vide, ~900 W de puissance) avec panneaux solaires déployables ; il est d’abord entré sur une orbite très elliptique autour de la Terre puis s’est éjecté progressivement vers Mars en.wikipedia.org science.nasa.gov. Il embarquait 5 instruments (voir liste) pour étudier la surface, l’atmosphère et l’exosphère de Mars science.nasa.gov.
- Résultats scientifiques : MOM a renvoyé des milliers d’images et de données. L’ISRO rapporte que la MCC a produit plus de 1 100 images et un Atlas de Mars ; la mission a donné lieu à plus de 35 articles revus par des pairs isro.gov.in. Parmi les résultats clés : observations de la météo martienne, des tempêtes de poussière et de la perte atmosphérique ; par exemple, MENCA a détecté de l’argon haute énergie (« supra-thermique ») et, fait remarquable, a trouvé de l’oxygène atomique surpassant le CO₂ à une altitude d’environ 270 km en période de tempêtes de poussière isro.gov.in. La mission a aussi cartographié la profondeur optique atmosphérique et des formations nuageuses isro.gov.in. Cependant, un défi est survenu : le capteur de méthane n’était pas assez sensible pour détecter le méthane martien, il n’a donc pas permis d’obtenir de données sur ce point space.com.
- Durée de la mission & fin : Prévue pour 6 à 10 mois, MOM a largement dépassé les attentes, fonctionnant environ 8 ans. En 2022, l’ISRO a perdu le contact (probablement à cause de la fin du carburant et de la batterie lors de longues périodes d’éclipse) space.com space.com. L’ISRO qualifie MOM de « remarquable réussite technologique et scientifique » en exploration planétaire space.com.
Tableau 1. Résumé de la mission Mars Orbiter (Mangalyaan-1) science.nasa.gov science.nasa.gov
Paramètre | Valeur |
---|---|
Date de lancement (TU) | 5 novembre 2013, 09:08 |
Véhicule de lancement | PSLV-XL (Polar Satellite Launch Vehicle) |
Masse du vaisseau (plein/vide) | ~1 350 kg (dont ~852 kg de carburant) |
Cible / Insertion en orbite | Mars (24 septembre 2014, orbite aréocentrique) |
Durée de la mission (prévue/réelle) | 6–10 mois / ~8 ans |
Puissance | ~800 W (panneaux solaires) |
Instruments | Caméra couleur Mars, photomètre Lyman-Alpha, spectromètre IR thermique, MENCA, capteur de méthane science.nasa.gov |
Réalisations | Premier orbiteur asiatique autour de Mars ; plus de 1100 images ; >35 articles scientifiques isro.gov.in science.nasa.gov |
Mission d’atterrisseur martien (Mangalyaan-2) : plans et objectifs
S’appuyant sur le succès de MOM et les technologies d’atterrissage de Chandrayaan-3, l’ISRO prévoit Mangalyaan-2 (mission d’orbiteur/atterrisseur martien), une mission martienne comprenant un atterrisseur et un rover. Ce sera la première tentative indienne d’atterrissage sur une autre planète, l’objectif étant de déposer un rover sur Mars et de réaliser des études scientifiques de surface indiatoday.in idrw.org. Un drone-hélicoptère martien est également prévu, à l’image d’Ingenuity de la NASA, pour aider aux relevés aériens timesofindia.indiatimes.com space.com.
- Objectifs de la mission : Réaliser un atterrissage en douceur sur Mars et déployer un rover (et possiblement un petit hélicoptère) pour effectuer des recherches scientifiques in situ. Les principaux objectifs incluent des études géologiques et atmosphériques (par exemple minéralogie, composition de l’atmosphère, analyse de la poussière/méthane) et la recherche d’eau ou d’anneaux de poussière autour de Mars space.com hindustantimes.com. D’après la presse, au moins quatre instruments scientifiques sont en développement : MODEX (Mars Orbit Dust Experiment), RO (Occultation Radio pour la densité neutre/électronique), EIS (Spectromètre d’Ions Énergétiques pour étudier le vent solaire et la perte atmosphérique), et LPEX (Sonde de Langmuir/Champ E pour sonder l’environnement plasma) hindustantimes.com. Ces instruments visent à mesurer le flux de poussières interplanétaires, les profils atmosphériques, les populations d’ions et les champs électriques sur Mars hindustantimes.com.
- Conception de la mission : Le vaisseau (~4,5 tonnes) sera lancé par la lourde fusée LVM3 (GSLV Mk3) de l’ISRO. Après insertion en orbite terrestre, une « phase de croisière » transportera le module de descente (atterrisseur) jusqu’à Mars en plusieurs mois indiatoday.in timesofindia.indiatimes.com. À l’arrivée, le module de descente n’entrera pas en orbite martienne mais plongera directement dans l’atmosphère – une stratégie audacieuse d’« entrée directe » indiatoday.in timesofindia.indiatimes.com. L’entrée atmosphérique utilisera un bouclier thermique, puis un freinage par parachute supersonique, suivi de rétrofusées et d’un sky-crane pour l’atterrissage en douceur final timesofindia.indiatimes.com indiatoday.in. Cette séquence est similaire à la méthode EDL (Entrée, Descente, Atterrissage) de Curiosity/Perseverance de la NASA, mais sans orbite préalable. Un petit hélicoptère type Ingenuity sera déployé après l’atterrissage pour explorer et aider à la planification de l’itinéraire timesofindia.indiatimes.com space.com.
- Calendrier : Aucune date officielle de lancement n’a été fixée, mais les analystes estiment que les premières fenêtres sont en 2026 ou plus tard, avec une tentative d’atterrissage vers 2030–2031 idrw.org space.com. (Un lancement en 2024 avait été évoqué, mais des technologies critiques comme l’hélicoptère, le parachute et le sky-crane sont encore en développement space.com.) L’ISRO indique le soutien de la Commission Spatiale et attend l’approbation gouvernementale finale.
- Site d’atterrissage : Bien que non encore choisi, le site privilégiera la sécurité (terrain plat, faible pente) et l’intérêt scientifique (présence possible de glace d’eau, géologie). Les candidats pourraient inclure des plateaux équatoriaux ou des fonds de cratères, similaires aux sites Jezero/Isidis de la NASA. (Le site lunaire précédent vers ~70°S avait été choisi pour l’illumination et l’intérêt scientifique indianexpress.com; des compromis similaires s’appliquent pour Mars.) space.com indiatoday.in.
- Innovations & technologies : Mangalyaan-2 intégrera des technologies majeures :
- EDL à entrée directe : Entrer dans l’atmosphère sans passer par une orbite préalable timesofindia.indiatimes.com indiatoday.in, nécessitant un bouclier thermique robuste et une chronologie précise.
- Sky Crane et rétropropulsion : Un étage de descente motorisé pour déposer le rover, similaire au système de Curiosity/Perseverance timesofindia.indiatimes.com indiatoday.in.
- Drone hélicoptère : Un multi-rotor pour la reconnaissance aérienne (premier aéronef extraterrestre indien) timesofindia.indiatimes.com space.com.
- Parachutes avancés : Parachutes supersoniques, haute performance pour l’entrée martienne.
- Rover robuste : Rover à transmission intégrale embarquant des instruments d’analyse des sols (par ex. spectromètres analogues à la LIBS/APXS de Chandrayaan-3 indianexpress.com).
- Navigation autonome : Caméras de détection d’obstacles et algorithmes perfectionnés pour un atterrissage sécurisé.
- Propulsion : L’utilisation du LVM3 assure une marge de masse suffisante ; de possibles bénéfices issus du nouveau SLV3 (développement du lanceur Gaganyaan 30 tonnes par ex. orbitaltoday.com).
- Partenariats internationaux : L’ISRO collabore historiquement (par exemple la NASA a fourni le rétro-réflecteur laser lunaire pour Chandrayaan-3 isro.gov.in). Pour Mars 2, la coopération internationale pourrait inclure le partage de données et le soutien au suivi. Par exemple, le réseau de l’ISRO travaille souvent avec le DSN de la NASA ou l’ESTRACK de l’ESA. À ce jour, aucune contribution étrangère aux charges utiles n’est annoncée, mais l’intérêt mondial est fort. (Notons que l’orbiteur/atterrisseur Tianwen-1 de la Chine en 2021 a réalisé une science similaire, et l’Inde pourra partager ses données avec la communauté internationale martienne.)
- Budget et financement : L’ISRO n’a pas publié d’estimation officielle du coût. En comparaison, MOM coûtait Rs 450 crores (74 millions $) orbitaltoday.com. Vu la complexité atterrisseur/rover, Mangalyaan-2 sera plus cher, mais l’ISRO restera probablement économe. Pour comparaison, Chandrayaan-3 (~3 900 kg total) a coûté seulement ~$75 M reuters.com. Des anciens responsables de l’ISRO ont rappelé l’efficacité indienne dans le spatial, « faire plus avec moins » reuters.com space.com. (Le budget spatial indien reste modeste – environ 1,5 milliard $/an – d’où l’importance de la rentabilité.)
- Déclarations officielles : Le président de l’ISRO, S. Somanath (ingénieur aéronautique), a souligné le « remarquable accomplissement » de l’Inde dans les missions interplanétaires space.com. Après Chandrayaan-3, il a plaisanté : « Personne au monde ne peut faire comme nous sur un petit budget » reuters.com. Lors d’une conférence récente, les responsables de l’ISRO ont présenté le plan d’atterrisseur martien, insistant sur la complexité d’une mission « audacieuse » à atterrissage direct indiatoday.in timesofindia.indiatimes.com. La presse cite l’ISRO selon qui la réussite mettrait l’Inde « dans le club fermé » (États-Unis, Russie, Chine) des pays capables d’atterrir sur Mars idrw.org space.com.
- Comparaison avec d’autres missions martiennes : Si réussie, Mangalyaan-2 serait la première mission indienne à se poser sur Mars, rejoignant un cercle très restreint. (À ce jour, seuls l’Union Soviétique (Mars 3 en 1971), les États-Unis (Vikings, Mars Pathfinder, MERs, MSL, Perseverance) et la Chine (Tianwen-1/Zhurong en 2021) ont réalisé un atterrissage en douceur sur Mars idrw.org space.com.) Contrairement aux rovers à plusieurs milliards de dollars de la NASA (Perseverance, ~2,7 Mds $) ou au grand atterrisseur chinois Tianwen, la mission indienne tentera un exploit similaire plus économiquement. Elle bénéficiera des innovations de la NASA (sky-crane de Curiosity) et des missions ESA/Roscosmos (rover ExoMars). Ce faisant, l’Inde contribue à l’exploration martienne internationale (voir aussi l’orbiteur Hope des ÉAU, MAVEN de la NASA, etc).
- Bénéfices attendus : Scientifiquement, la mission fournira des données de terrain sur la géologie martienne, l’évasion atmosphérique, la distribution de la poussière et de la glace d’eau, et d’éventuels biosignatures – renforçant notre compréhension de l’histoire de Mars et de son habitabilité. Sur le plan technologique, maîtriser l’atterrissage sur Mars renforcera les capacités indiennes en lancement lourd et en robotique. Sur les plans économique et social, la mission stimulera l’industrie high-tech (coup de pouce aux startups et fournisseurs reuters.com) et inspirera l’éducation STEM. Enfin, cela s’inscrit dans la vision nationale (par exemple faire de l’Inde une puissance spatiale majeure à l’horizon 2047 orbitaltoday.com). En somme, un atterrisseur martien réussi serait un bond en avant, ouvrant la voie à des missions de retour d’échantillons ou humaines.
Sources : Communiqués de presse et pages officielles de l’ISRO isro.gov.in isro.gov.in science.nasa.gov ; articles de presse (Space.com, Times of India, India Today, Hindustan Times, Reuters) space.com indiatoday.in hindustantimes.com reuters.com, entre autres. Ces sources donnent les objectifs détaillés de la mission, plans techniques, estimations budgétaires et déclarations officielles.